Extrait du conte « La terre Promise »

— Mais que s’est-il donc passé sur cette plage ? s’enquit la reine.

Celle qui avait arrêté de sangloter reprit le cours de son récit :

— À la nuit tombée, nous étions des centaines à vouloir monter dans les petits bateaux qui se trouvaient sur la plage. Nous nous sommes entassés dans la pénombre, nous étions tellement serrés que personne ne pouvait bouger. Et puis, le vent s’est levé, la mer est devenue mauvaise, d’énormes vagues secouaient nos embarcations comme des coquilles de noix. Des creux ont englouti des bateaux d’un seul coup, la tempête a duré toute la nuit. Nous étions transis de froid, apeurés, sentant notre dernière heure venue. Au petit matin, notre barque s’était échouée sur la grève près d’ici, des cadavres par dizaines jonchaient l’étendue de sable blanc, parmi eux, il y avait mon fils et ma nièce. Madame la baronne, alertée par ses gens, est arrivée avec ses filles pour nous secourir.

La baronne ajouta :

— Nous avons enterré les morts et recueilli ses malheureux.
La reine ne put retenir deux larmes qui coulèrent sur ses joues, elle les essuya et reprit :

— Que faisiez-vous toutes deux dans votre pays ?

— Moi, je m’occupais des récoltes du village, dit Aminata.

— Et moi, je soignais les gens, dit Inès.

La reine leur sourit et dit :

— Puisque c’est ainsi, Aminata sera dorénavant régisseuse et Inès soignera les paysans avec votre seconde fille, baronne.
Elles remercièrent toutes trois la reine pour sa bonté et sa sagesse. Mais la baronne ajouta timidement :

— Ce n’est pas tout, Majesté, le baron a fait bien pire.
La reine ouvrit de grands yeux et demanda incrédule :

— Mais qu’a-t-il donc bien pu faire de pire que cela !

La baronne prit une grande respiration et raconta :

— Après ce jour dramatique où nous les avons recueillis, d’autres bateaux sont arrivés et le baron a…

Et là, la baronne en pleurs s’arrêta net.

***

Extrait du conte « La Route de la Soie ou la Conquête de Soi »

— Oui, ma chérie, répondit la mère, c’est pour cela que depuis le jour où tu es née, j’ai redouté cet instant, où ton père, te reprendrait ta liberté .

— Est-ce pour cela que tu as toujours été malade, maman ? De ce mal, qui te fait pleurer seule dans un coin du jardin, de ce mal qui te fait vomir tout ce que tu avales ? questionna-t’elle.

— Oui, ma fille, balbutia la mère. Et reprenant, ses esprits, elle dit à sa fille :

— Toi, pars ! Quitte le village, le pays, suis la route de la soie. Fais-toi embaucher au passage de la prochaine caravane. Tu es robuste, tu connais la région comme ta poche, les commerçants ne pourront pas refuser ! lui dit sa mère, pleine d’enthousiasme.

— Mais que va dire mon père ? répondit -elle.

— Je lui dirais que tu es allée chez ta tante pour qu’elle t’apprenne tout ce qu’une bonne épouse doit savoir. Le temps qu’il se rende compte de la supercherie, tu seras déjà bien loin.

— Mais, mère ! dit-elle, affolée, quand il va découvrir la vérité, il va te battre !

— Je suis prête à mourir sous ses coups, si cela peut te délivrer d’une vie comme la mienne, dit-elle d’un ton solennel.

Sitara n’avait jamais vu cette étincelle briller dans les yeux de sa mère. Toutes les deux pleuraient en silence, s’étreignaient, sachant que leurs jours ensemble étaient désormais comptés.

Une caravane venant de l’empire du milieu arrivait au loin. La mère qui fut prévenue par un petit berger alla voir le père pour lui dire que Sitara devait aller chez sa tante pour qu’elle apprenne à devenir une bonne épouse. Le père trouva cette idée excellente et retourna à ses occupations. Sitara fit son baluchon, embrassa sa mère tendrement et partit d’un pas rapide vers le col.